« Quand on est manager, on n’entend plus rien ! »
C’est ainsi qu’un des primo-managers que j’accompagne exprimait sa principale surprise, suite à sa récente prise de fonction. Il ne faisait pas référence, bien sûr, à quelque surdité subite, mais mûrissait un amer constat : ce que les collaborateurs se disent entre eux, ils ne le disent pas à leur manager, en tous cas, pas spontanément… Pour le meilleur, mais aussi pour le pire !
Rareté du feed-back
Ainsi, le manager peut-il se trouver coupé d’un flux d’informations d’intérêt certes inégal, mais parmi lesquelles circulent des données à forte valeur ajoutée pour lui. Bien sûr, il est par ailleurs intégré à de nouvelles sources : les réseaux managériaux, formels ou informels, qui l’alimentent en d’autres types de données, auquel il avait moins accès auparavant. Mais pour ce qui concerne la gestion et l’animation de son équipe, une forme de silence peut s’installer, qui comporte certains risques.
La particularité du primo-manager, c’est qu’il s’en rend compte, par contraste, et se demande comment retrouver accès à l’avis de ses collaborateurs sur l’activité, le travail et la façon de l’assurer, mais aussi aux feed-backs sur son action managériale. (Quant aux managers plus expérimentés, quel que soit leur niveau de responsabilité, leur conscience de ce processus dépend beaucoup de la culture de l’entreprise et des styles managériaux qui y sont valorisés.)
Dans certaines organisations, la DRH s’inquiète de cette situation et met en place, d’autorité, des outils visant à faire dialoguer manager et collaborateurs. Mais l’écoute est souvent douloureuse pour ceux qui ne la pratiquent pas régulièrement. Et il est parfois difficile d’accueillir certains « retours » de 360° qu’on aurait préféré découvrir de façon moins abrupte...
Le coaching comme vecteur d’écoute
Les moyens de pratiquer l’écoute lorsqu’on encadre des équipes sont pourtant nombreux mais le plus important pour le manager est d’adopter une posture d’écoute.
Le coaching constitue un bon moyen pour développer cette aptitude. D’abord, parce qu’il s’agit d’un processus d’écoute. Il opère donc une modélisation de ce qu’est l’écoute et de ce qu’elle produit comme effet sur la personne écoutée. Cela permet notamment au coaché de se rendre compte du fait que l’écoute n’est pas uniquement une posture de passivité mais qu’elle provoque une dynamique chez la personne écoutée, que ne suscite pas le débit matutinal d’un message descendant (lequel tend à produire des exclamations formelles du type : « Ah, qu’il est beau le débit de lait ! Oh, quel palais le débit de l’eau ! »*, que l’on pourrait traduire plus prosaïquement par « Cause toujours, tu m’intéresses… »).
L’écoute subtile
Et puis, les mots ne disent pas tout. A l’instar de M Mac Luhan, qui énonçait “Le message, c’est le media”, le coach appelera certainement l’attention de son client sur les situations et le non-verbal. “Je vous écoute” dit en pianotant sur son Blackberry est d’un effet désastreux. “Quelle solution proposes-tu ?” dit en quittant le bureau pour aller à une reunion urgente ne vaut guère mieux.
Enfin, le coaching est aussi une occasion pour le coaché de développer son attention aux signaux faibles, aux alertes, aux indices infimes, qui fourmillent dans ses journées et permettent de décoder beaucoup de silences. En effet, le coach n’aura de cesse de lui demander comment il interprète tel ou tel comportement et sur quoi il se fonde pour le faire, l’introduisant ainsi à une sorte de clinique de l’altérité.
Clinique de l’altérité
Pour faire vite : l’altérité, c’est d’abord comme un caillou dans la chaussure : ça gène (comme en témoigne l’illustration ci-dessus). Puis, ça peut devenir une sorte de pépite. Cet autre qui me contrariait avec son point de vue différent du mien me permet de voir une facette des choses qui m’échappaient, ouvre mon champ de vision …
Dès lors que les managers commencent à être convaincus que les autres (leurs collaborateurs, mais aussi leurs pairs, …) voient dès choses qu’eux ne perçoivent pas, que différence n’est pas opposition mais complément, ils sont davantage disposés à les écouter, et à rebondir sur ce qui leur est dit, sans a priori, ni complaisance. De quoi développer la performance de leur équipe et faire mentir le sombre adage énoncé par mon client !
Valérie PASCAL.
* : Merci à Charles Trenet pour sa fantaisie.
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