Une part importante du cadre du coaching tient au fait que le coach inscrit le travail dans du temps, doublement : temps/durée de chaque séance et temps/calendrier de l’ensemble des séances réparties sur quelques mois. Le temps objectif, calendaire, en constitue donc un élément fondamental. Mais le temps du coaching est surtout un temps subjectif, non linéaire, non mesurable (in-commensurable ?). Il y a des temps forts et des temps faibles (parfois même des temps apparemment «morts») dans la vingtaine d’heures que coach et coaché passent ensemble, dans cet espace-temps de rencontre singulière, dont ils font, simultanément, l’expérience.
Dans ses «Confessions», Saint Augustin affirmait : « Il y a trois sortes de temps : le présent du passé, le présent du présent, le présent du futur ». Car, disait-il « ces trois sortes de temps existent dans notre esprit et je ne les vois pas ailleurs ». Il en va de même dans un coaching. Sont en effet convoqués tour à tour dans le « présent du présent » de la séance, le passé ou plutôt le « présent du passé », mais aussi le futur ou plutôt le « présent du futur ». Et c’est dans ces méandres que se déploie le travail.
Pourtant, certaines entreprises sont parfois porteuses d’une vision un peu caricaturale du coaching dans laquelle, si on dispose de dix séances, il faudrait penser et structurer à l’avance le travail en 10/10èmes, laissant ainsi supposer que le processus enclenché serait séquentiel et son temps homogène…
Il arrive d’ailleurs que l’on demande au coach un programme de travail détaillant à l’avance ce qui sera fait dans chacune des séances…
Comme si on pouvait déterminer en amont les formes que prendra l’élaboration du coaché, et lui imposer des étapes !
Au contraire, la performance du coaching et la compétence du coach résident probablement dans leurs capacités à aller très loin dans l’expérience d’un rapport au temps radicalement subjectif, pour permettre au coaché de cueillir les fruits d’une maturation suscitée et accompagnée. Et il y a sans doute une vertu du coaching professionnel à proposer un espace dans lequel le coaché n’est pas soumis au « culte de l’urgence » et peut ralentir, prendre le temps de sembler en perdre, de chercher, de questionner, de ressentir, d’imaginer, de ne pas savoir et même d’éprouver de la confusion. C’est à cette condition qu’il pourra opérer de véritables avancées, en prenant appui sur un mouvement d’élaboration profond, et donc durable. Le travail du coach consiste à accompagner, dans ce cadran(t), un processus psychique qui rend possible cette sorte de surgissement, par lequel le coaché trouve non pas une « solution » mais une voie, un sens et une perspective par rapport à son objectif.
Pour le coaché, ce processus de travail et ce rapport au temps supposent une confiance, une forme de lâcher-prise : s’il y consent, il pourra constater le caractère laborieux et aride de certains moments, mais aussi, des accélérations, fulgurances, percées, foisonnements…
Il s’apercevra également qu’une partie non négligeable du travail s’effectue entre les séances, dans un temps ouvert, émaillé des réflexions et mouvements internes, presque tectoniques, qu’il traverse, porté par l’énergie issue de la séance précédente et tiré par la perspective de la suivante. Ce temps-là échappe à toute quantification, vif comme les jours, dense comme les nuits.
Pour le coach, le travail consiste à tenter d’être au clair quant à son propre rapport au temps : identifier les moments où il est pressé et estime que son client traîne, mais aussi ceux où il se trouve soudain dépassé car le coaché vient de faire un bond, inattendu, qui le laisse pantois dans son fauteuil – en retard ! Il doit alors se remettre à l’heure de son client et redevenir perméable à la temporalité du coaché, s’en laisser imprégner.
Puisqu’il s’inscrit dans un cadre temporel prédéterminé, le coaching a bien sûr un début, un milieu et une fin, tous trois très significatifs. Mais la multiplicité des temps convoqués durant ce parcours éphémère bute-t-elle vraiment sur une fin, un terme ? N’ouvre-t-elle pas plutôt sur d’infinis prolongements ? « Présent du futur » ?
Valérie PASCAL, mai 2011.
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