Le marché du coaching est saturé de « coachs » en tous genres, la plupart auto-proclamés, se positionnant sur les secteurs les plus divers (coaching du poids, coaching d’image, coaching scolaire, coaching amoureux, etc.) et démontrant une variété de pratiques souvent confondante, où la posture flirte avec celle du conseil, de la formation, la thérapie, voire pire… En résulte une pléthore de discours sur le coaching assez « perplexifiante ». Effet du Cloud ou simple brouillard ? Brouillage, en tous cas. Et même dans le champ à priori mieux circonscrit du coaching professionnel (corporate coaching), impliquant une relation tripartite avec la personne coachée et son entreprise, la multiplicité des intervenants et l’hétérogénéité de leurs méthodes de travail est frappante. Sans parler de la disparité des règles déontologiques.
Les
acheteurs de coaching en entreprise sont donc de plus en plus souvent en quête
de repères leur permettant de faire un choix pertinent parmi la myriade de
candidats qui les assaillent. Certains en restent à une approche intuitive, et
pensent pouvoir identifier les bons professionnels selon leurs propres
critères. D’autres, souvent eux-mêmes formés au coaching, tentent d’établir des
critères objectifs de sélection et demandent certaines garanties, notamment des
accréditations délivrées par des associations professionnelles ayant pignon sur
rue, mais aussi des attestations de supervision, de formation, etc. Tous
tendent à demander au coach de donner lui-même des informations sur sa personne
et sur son travail.
Mais comment composer ce discours sur soi ?
Se fonder comme professionnel, en référence à des standards
Pour identifier les sujets qui fondent notre identité de coach, il est utile d’exploiter les travaux menés par les principales associations du métier à ce sujet. Voici donc une petite revue des thèmes à aborder pour élaborer notre propre argumentaire et nous fonder en tant que professionnels.
Le référentiel proposé par la SFCoach distingue 7 domaines de compétences :
- Le coach a des savoirs et des
références théoriques
sur la base desquels... - Il élabore une offre professionnelle de services,
- Il travaille la demande.
- Il a fait un travail sur soi et a de l’expérience,
- Il structure la relation et construit son intervention,
- Il utilise les modalités de communication,
- Il accompagne le coaché dans son changement.
De son côté, EMCC identifie 8 catégories de compétences :
- Conscience de soi,
- Engagement de développement personnel,
- Gestion du contrat,
- Construction de la relation d’accompagnement,
- Permettre les prises de conscience et les apprentissages,
- Résultat et orientation vers l’action,
- Utilisation de modèles et techniques,
- Evaluation.
Les différences, comme les points communs entre ces deux approches, permettent de baliser les champs de compétences à valoriser vis-à-vis des acheteurs de coaching en entreprise. Cela peut définir les grands chapitres de notre argumentaire :
- Notre maturité personnelle,
- Notre capacité à établir fermement le cadre de la relation avec le coaché et l’entreprise,
- Notre capacité à utiliser la relation comme « combustible » pour la mise en mouvement du coaché.
Ceci posé, un chapitre sur nos principes éthiques et déontologiques paraît indispensable. Il précise nos limites et leur sens.
Encore faut-il communiquer ces éléments de façon articulée, mettant en évidence les cohérences, faute de quoi le meilleur coach peut prendre des airs de lièvre à écailles, ovipare et muni de pieds palmés ! (Pas forcément très vendeur, en ces temps de crise alimentaire…)
Se singulariser en laissant s’exprimer son style
C’est là, sans doute, qu’intervient la notion de style, qui se situe au carrefour de trois sphères :
- Du côté des caractéristiques personnelles, on trouve toutes les variables sociologiques (sexe, âge, origines, trajectoire socio-économique, etc.), mais aussi les particularités de notre mode de fonctionnement relationnel et psychique (préférences comportementales, schémas psychiques…), et enfin notre caractère. Mais sans oublier un petit détail : nos apparence physique et style vestimentaire. (Ah, le « chic » des banquiers !)
- Du côté de l’ancrage théorique se trouvent les choix de concepts, corpus, et représentations qui fondent nos façons d’intervenir et dictent nos choix en termes d’outils et de façons de procéder, techniquement, avec les personnes que nous accompagnons.
- Du côté de notre expérience, se tiennent nos clients et les sujets qu’ils nous confient. Cela nous renseigne sur ce qu’ils perçoivent de nous et ce qu’ils projettent sur nous. Dans quels univers « passons-nous » le mieux ? Dans le privé ou le public ? A l’international ou dans les sphères franco-françaises ? Dans les grands groupes, les PME, ou encore les start-up ? Dans quels métiers : Industrie ? Services ? Finance ou Hôpital ? Auprès de quelles populations : dirigeants, cadres de proximité, juniors ou séniors ? Femmes ou hommes ? Diplômés ou autodidactes ? Sur quelles problématiques sommes-nous le/la plus à l’aise ? Quelles sont celles qui reviennent dans nos missions : performance ou harcèlement ? Légitimité ou gestion du stress ? Prise de fonction ou assertivité ?
Chacun peut ainsi se livrer à cette sorte de scanner, permettant d’objectiver pour autrui son style professionnel, en se découvrant soi-même. Mais en outre, à l’articulation de ces trois sphères s’opère une sorte d’alchimie spontanée et unique, qui nous définit comme un(e) coach absolument singulier(e), tout à fait atypique, quoique se rattachant à une filière professionnelle (un « genre professionnel », au sens où l’entend Yves Clot). De cela, on ne peut guère parler. Mais tout en nous en témoigne, presque à notre insu, dès que nous sommes en présence d’un autre. Etre coach, c’est aussi apprendre à laisser ce processus - perpétuel - faire sa part du travail...
Valérie PASCAL ([email protected])