Malgré un certain nombre d’études convergeant pour montrer que l’open-space, né dans les années 50, ne présente pas, loin s’en faut, que des avantages (voir l’article « VIE AU TRAVAIL – L’open space va-t-il tuer le jeune ? »), les organisations, soucieuses de maîtriser leurs coûts de fonctionnement, continuent à déployer ces espaces dits ouverts. Il est vrai que le recours à cette modalité d’organisation de l’espace de travail permet de réduire sensiblement le nombre de mètres carrés affecté à chaque collaborateur et donc d’optimiser le ratio nombre d’employés/surface disponible, dans les établissements. Par les temps qui courent, firmes privées et institutions publiques ne laissent pas de côté ce type de facteurs de performance.
Pourtant, les effets négatifs de l’open-space ont été répertoriés. Ils relèvent de la fatigue, de la difficulté de concentration, et de la dégradation des ambiances de travail dans les équipes (et donc de leur performance ?).
Mais le mythe de l’open-space continue de fasciner bien des Directions générales. Pourquoi ?
Les promesses de l’open-space sont en adéquation avec les valeurs de nos sociétés post-modernes.
- Ouvert, cet espace de travail sans cloisons, souvent baigné de lumière, annonce le règne de la transparence, où tout se verrait, où rien ne serait caché.
- Créant de la proximité entre les collaborateurs, il laisse espérer un impact favorable sur la circulation de l’information (fluidité) et sur la coopération (puisque plus aucun obstacle physique ne s’y oppose).
On peut bien sûr s’interroger sur ces postulats :
- La transparence supposée ne constitue-elle pas surtout le terreau sur lequel peut se développer une forme de cynisme ou de duplicité ? En effet, lorsque chacun, exposé, sait qu’il faut montrer ce qui est attendu et recevable socialement, cela n’implique nullement de ne plus se livrer à certains agissements jugés répréhensibles mais invite/accule à le faire avec plus de discrétion…
- La circulation de l’information est-elle facilitée par la proximité physique ou au contraire entravée ? Chacun étant exposé à une multitude de messages diffusés tout au long de la journée, à la faveur des déplacements des collègues dans l’espace-commun, il risque surtout d’être saturé d’informations et de ne plus avoir la capacité de discernement qui permet d’identifier les données et les idées importantes dans le flot de celles qui ne le sont pas.
- Enfin, les interpellations au fil de l’eau, valorisées comme gage de bonne communication dans les équipes, sont-elles autre chose qu'une forme de grossièreté moderne qui consiste à interrompre les autres au motif qu’il est bon d’être spontané … (quand c'est moi qui le suis).
Les effets de l’open-space sur les introvertis
A côté de ces effets généraux, il me semble utile d’examiner un peu plus précisément les impacts de l’open-space sur les introvertis (qui représentent tout de même 33 % à 50 % de la population).
Rappelons succinctement les principaux besoins de cette catégorie de la population :
- Se ré-énergiser dans la solitude
- Pouvoir disposer d’une bulle pour se ressourcer avant d’aller au contact des autres
- Ne pas tout dire, tout exprimer
- Garder un jardin secret, un lieu d’intimité
- Réfléchir avant d’agir et de parler
- Pouvoir garder le silence et rester seul pour penser
- Se concentrer
- Aller dans le détail et déployer son effort dans la durée sans être interrompu
- …
Pour les introvertis, l’open-space réunit donc un certain nombre de conditions défavorables et peut les empêcher de déployer l’ensemble des qualités professionnelles qui constituent leur apport singulier à la bonne marche des entreprises, d’y livrer les fruits de leur « jardin secret », partager ces réflexions mûries dans le silence.
À forcer les choses et à contraindre les tempéraments par ces agencements de l’ « espace-ouvert », les organisations risquent donc de provoquer presque autant de fermeture que d’ouverture… Pour ne rien dire de la qualité du travail fourni et de celle du climat au sein des équipes…
A suivre...
Valérie PASCAL
Pour en savoir plus sur les introvertis :
- Ecouter la conférence de Susan Cain sur TED
- Lire : « La force des introvertis » de Laurie Hawkes