Yin/Yang, un cycle infini…
La philosophie chinoise accorde une place centrale à la question de l’énergie. Elle l’aborde notamment à travers le couple Yin/Yang. Ces notions sont extrêmement complexes mais, si on simplifie à l’extrême, on pourrait dire que :
- Le Yang correspond à une posture active, et à une énergie qui produit des actions manifestes et donc observables, en lien avec une volonté
d’action et d’impact. - Le Yin correspond à une posture réceptive. Il s’agit d’accueillir ce qu’offre l’environnement, dans une attitude d’acceptation reliée à une intention d’ouverture.
Ces deux modalités de l’énergie fondamentale se succèdent sans cesse, chacune se trouvant en germe dans l’excès de l’autre, ce qui produit un système de balancier à la faveur duquel chacun de nous passe par ces polarités, temporairement mais régulièrement. Dans la pensée chinoise, un système figé dans l’un ou l’autre de ces registres ne serait ni sain ni durable, car cela correspondrait à une fixation, opposée à ce mouvement perpétuel, cette respiration universelle, qui est un indice de vie…
Yin/Yang et notre fonds socioculturel occidental
Il se trouve que le Yang est le plus valorisé dans le monde occidental, plus que jamais en ce début du 3ème millénaire.
Le Yin, en revanche, se voit plutôt déconsidéré dans nos sociétés, car on le confond avec une forme d’immobilisme, voire d’impuissance. Ce faisant, on vide la réceptivité de sa capacité d’accueil et on tend souvent à lui dénier ses vertus agissantes.
Notre représentation de l’efficacité est ainsi biaisée (cf. l’approche comparative proposée dans le « Traité de l’efficacité » de François Jullien). On pourrait dire que nous confondons trop souvent action et activisme, voire agitation (comme c’est le cas quand on est pris dans une phase de manie durant laquelle on ne peut plus se soustraire à la pulsion d’action, dès lors ramenée à elle seule). Dans ce cas extrême, le sujet est assujetti à l’agir, agité et non plus agi, comme avec le Yin.
Yin/Yang, un modèle de l’efficacité de l’accompagnement
Dans les fonctions d’accompagnement professionnel (qu’il s’agisse de coaching ou de supervision de coachs), le risque serait que nous soyons, nous aussi, pris par ces mêmes confusions et qu’en tant que praticiens, nous nous lancions dans une approche univoque, dominée par le Yang (au prétexte de rechercher une efficacité supérieure), oubliant les vertus du Yin – ou inversement…
En fait, un accompagnement équilibré comporte deux facettes et recherche cette alternance d’énergies et de postures.
Sur la facette Yang de l’accompagnement
Naturellement, la posture Yang est utile, et elle s’avère même d’une grande pertinence, pour certaines interventions
structurantes.
Quelques gestes Yang du coach :
- Poser un cadre de travail,
- Définir un objectif,
- Pratiquer l’écoute active (questionner, reformuler, synthétiser, soutenir…),
- Guider l’entretien (faire des mini synthèses, identifier des alternatives, demander des prises de position, faire valider ou écarter une option…),
- Eclairer un angle mort,
- Inviter à déployer une métaphore,
- Explorer les options d’action de la personne accompagnée et en proposer d’autres,
- …
Et du superviseur :
- Signaler une erreur technique,
- Pointer une zone d’ombre ou de méconnaissance du coach,
- Explorer une limite déontologique ou un dilemme éthique,
- Identifier un reflet systémique et le mettre au travail avec le coach,
- Interroger les références théoriques du coach,
- …
Sur la facette Yin de l’accompagnement
Le Yin étant une modalité différente, il est difficile de l’énoncer sous forme de points (comme pour le Yang). Il semble préférable de zoomer sur trois postures fondatrices du Yin dans l’art du coach ou du superviseur (postures communes aux deux rôles).
Ouverture/Accueil & Soutien inconditionnel/Alliance
Cette famille d’attitudes du coach ou du superviseur invite les clients à s’engager dans l’accompagnement en toute confiance, les encourage à donner à voir ce qu’ils sont vraiment et, du coup, à accéder à un juste niveau de travail, à partir duquel ils vont cheminer.
Contenance
Cette attitude est sans doute la plus Yin, puisqu’elle consiste « juste » à permettre qu’une parole soit exprimée dans un cadre qui lui donne sens : entendue, accueillie et prise en compte telle quelle, sans réaction. C’est une posture très humanisante pour les deux parties…
Témoignage dans le temps
Le coach (ou le superviseur) est le témoin privilégié des avancées de ses clients, notamment en ce qui concerne l’évolution de ses représentations et les modifications de comportement ou de façon de vivre les situations qu’elles provoquent.
Par cette posture, le chemin parcouru par le client se trouve attesté et ses évolutions qualifiées.
***
Sans les interventions Yang, l’accompagnement serait bancal et, de ce fait, pauvre en capacité de mettre l’autre en
mouvement. Mais il serait tout aussi déséquilibré s’il ne comportait pas, par ailleurs, un ensemble de gestes et attitudes Yin, qui fondent et soutiennent le cheminement du client. Les unes et les autres indispensables à l’efficacité globale du processus.
Sous la lumière forte du soleil, des actions peuvent être entreprises qui sont nécessaires à la bonne marche de nos vies.
Toutefois, la nuit recèle aussi (dans ses mystères) des trésors de mise en mouvement parfois souterrains.
Ne perdons pas de vue les vertus de ce cycle et cherchons à mobiliser les deux polarités de l’énergie, pour continuer à être et devenir des praticiens à la fois équilibrés et impactants !
Valérie PASCAL
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