À la recherche de l’alliance…
Définition courante
En cherchant la définition de l’alliance sur Internet, on aboutit à la définition la plus usuelle (et susceptible de déboucher sur un achat) : l’alliance désigne alors la bague, passée aux doigts des époux, qui scelle leur union… Ce n’est manifestement pas de ce côté-ci que nous devons chercher pour mieux cerner l’acception de ce terme dans le domaine du coaching (et de l’accompagnement, en général), même si « notre » alliance scelle bien, elle aussi, quelque chose !
Définition générale
Dans le dictionnaire s’ouvre un large spectre de définitions, qui renvoient à plusieurs sens :
- Union contractée par engagement mutuel,
- Pacte avec Dieu, dans la religion juive,
- Union de puissances qui s’engagent à se porter mutuellement secours en cas de guerre,
- Lien juridique établi par le mariage entre les familles de l’un et de l’autre conjoints,
- Combinaison d’éléments divers,
- Anneau de mariage.
Les 1ère et la 5ème définitions me semblent pertinentes en ce qui concerne le coaching, encore faut-il éclairer la notion d’« engagement mutuel ».
Pour moi, cette dernière renvoie à trois conditions préalables majeures du coaching :
- Le futur coaché doit être réellement motivé pour s’engager dans un coaching (et non se contenter d’y consentir),
- Il doit être d’accord pour mener ce travail avec tel coach qui lui a été présenté, et avec lequel il se sent en confiance,
- Enfin, le coach, de son côté, doit avoir envie de travailler avec cette personne, sur cette demande.
Si ces conditions se trouvent réunies, l’alliance pourra se déployer… Puis, s’éprouver.
Définition dans le champ de l’accompagnement thérapeutique
Une petite exploration du champ de la thérapie semble cependant utile pour affiner notre sujet.
Edward S. Bordin (1913–1992) définit l’alliance thérapeutique comme un phénomène collaboratif entre patient et thérapeute qui inclut trois dimensions :
- Les buts ou objectifs fixés par la rencontre, en lien avec la demande,
- Les tâches à effectuer pour atteindre ces buts,
- Le lien affectif qui lie le patient et le praticien.
Pour E. Collot (2010), « l’alliance thérapeutique est le lien qui naît dans le contexte d’un travail thérapeutique entre thérapeute et patient, reconnu pour favoriser l’issue du traitement. Il s’établit sous l’égide d’un accordage affectif et d’un accord intellectuel sur un projet thérapeutique mis en commun ».
(Source : Article « Transfert et alliance thérapeutique », par Philippe LHUILLIER. www.eveil-formation.com).
De quoi s’agit-il, finalement, en coaching ?
L’alliance est un phénomène relationnel (simple fait ou véritable miracle ?) entre le coach et le coaché, qui advient à l’occasion d’une demande de travail sur un objectif, et dans lequel un haut niveau de confiance se cristallise, permettant à la fois l’ouverture et l’engagement du coaché pour l’atteinte de ses objectifs.
Naturellement, le coach (en tant que professionnel) a un rôle actif à jouer dans la création des conditions nécessaires à l’émergence de l’alliance, tandis que le client peut se contenter de la sentir se matérialiser et de s’y engager (ou pas !).
Quelle que soit la configuration de travail (nous allons y venir), le coach a besoin de l’alliance pour (bien) travailler et soutenir l’efficacité globale du processus de coaching. En effet, elle permet :
- L’engagement complet du client,
- Son ouverture,
- Sa sincérité dans l’exposition de ses problèmes, doutes, appréhensions, …
- Sa capacité à accueillir des feed-back...
- Et à recevoir des confrontations si besoin,
Elle contribue donc, au final, à l’efficacité maximale du coaching.
Notons au passage que l’alliance en coaching, quoique totale, est éphémère. Elle dure le temps de la mission… Et n’a pas vocation à lui survivre, a priori… (Laissant le coach seul face à son rapport au lien et à ce qui se termine…)
Créer et maintenir l’alliance en coaching individuel
Dans ce type d’accompagnement, la confiance doit se nouer entre les deux partenaires, autour d’un objectif partagé. Le coach cherche donc à créer les conditions de l’alliance, en mobilisant différentes techniques, sur les registres verbal, non-verbal et para-verbal.
On peut distinguer 4 zones de vigilance et de réglage pour le coach :
Le coach doit donc s’assurer que ses interventions dans ces 4 zones sont bien porteuses d’alliance.
1) Par rapport à lui-même :
- Disponibilité
- Présence et ancrage physique
- Congruence discours/attitude
- Stabilité
- …
2) Par rapport au coaché :
- Accueil inconditionnel du client dans
son altérité - Respect
- Ecoute attentive
- Marques d’intérêt
- Engagement
- …
3) Par rapport à sa relation avec le coaché :
- Juste distance
- Empathie
- Synchronisation et désynchronisation
- Témoignages de reconnaissance
- Feed-back authentique
- …
4) Par rapport à sa relation avec le prescripteur du coaching :
- Attention forte et soutenue au prescripteur. (En effet, la présence de ce tiers évite au coach et au coaché de se retrouver dans face à face symbiotique ou fusionnel),
- Double loyauté du coach (qui lui permet de chercher activement la juste distance avec le coaché)
- …
Ce niveau de conscience lui permettra de se rendre compte des désajustements éventuels et (de tenter) d’y remédier…
Créer et maintenir l’alliance en coaching d’équipe
En coaching d’équipe, l’alliance est plus complexe encore, car elle est d’emblée multidimensionnelle.
En effet, une mission de coaching d’équipe commence généralement par une première alliance avec le patron (1) qui est souvent le demandeur (et parfois le payeur) de l’intervention. L’enjeu, pour le-s coach-s, est de ne pas s’enferrer dans une alliance exclusive avec lui et de donner très vite aux membres de l’équipe des signes permettant de construire deux autres formes d’alliance complémentaires :
- Une alliance inter-individuelle, avec chacun des équipiers (2),
- Une alliance groupale, avec l’équipe en tant qu’entité unique (3).
C’est cet équilibre subtil et dynamique entre ces 3 niveaux d’alliance qui va constituer le principal moteur de l’efficacité de l’intervention, à son démarrage. Puis, pendant le déroulement de la mission, les membres de l’équipe et le patron vont certainement tenter de mettre cette alliance à l’épreuve. Les coachs doivent alors s’efforcer de rester à égale distance de chacun d’eux. En effet, s’ils penchent trop d’un côté ou de l’autre, ils perdront la confiance de l’une des parties, et leur accompagnement sera déséquilibré par cette asymétrie.
Enfin, les coachs ayant pris soin de placer un « système-consultant » en face du « système-client », ils auront à se préoccuper de la qualité de leur propre alliance au sein de leur binôme (4). Il s’agira principalement de :
- Etre modélisant, pour le client, en termes de parité, d’altérité, de complémentarité, de solidarité et de coopération (enjeux les plus courant les interventions auprès des équipes),
- Décoder et gérer les impacts en retour du système-client qui pourraient le fragiliser alors qu’ils sont avant tout des symptômes du problème sur lequel bute l’équipe.
Pour poursuivre…
Autant il est assez aisé de savoir s’il y alliance ou pas, autant il n’est pas toujours facile de rester lucide sur les effets de nos modalités d’intervention sur le niveau d’alliance. Comme souvent, c’est en prenant du recul sur la mission que l’on peut repérer les chaînes causales possibles et les perfectionner.
Quoi de mieux que la supervision pour se livrer à ce travail d’orfèvre ?
Valérie PASCAL