De nombreux coachs, juniors notamment, peuvent être désappointés face aux demandes qui leur sont adressées par les clients ou les associations (lors de leur accréditation) sur leur-s référentiel-s théorique-s. De quoi s’agit-il exactement ? En quoi est-ce différent d’un concept ou d’un outil ? Pourquoi est-il important d’en avoir, et même indispensable d’en avoir plusieurs ?
C’est ce que nous allons tenter d’éclairer (au moins un peu) aujourd’hui...
Le coaching entre pratique et théorie
Le coaching est d’abord une pratique. Elle repose notamment sur des savoir-faire spécifiques que l’on acquiert en grande partie par l’expérience (sous réserve que cette dernière soit régulièrement examinée d’un point de vue réflexif, en super-vision). Mais, si la pratique compte beaucoup, elle ne fait pas tout...En effet, le coach ne peut pas se contenter d’expérimenter. Il lui faut aussi «penser son métier» et mettre au point des stratégies d’intervention, de façon pertinente, dans chacune de ses missions, avec les personnes qu’il accompagne, selon leurs demandes et objectifs singuliers.Pour réussir à mettre en place cette partie de notre métier et de notre identité professionnelle, nous ne pouvons pas faire l’économie du Savoir et du développement d’une agilité quant à la mobilisation de ce Savoir en situation...C’est justement à cela que servent les référentiels théoriques : à nourrir et ancrer notre pratique, par des liens réguliers établis entre des connaissances théoriques génériques préalablement «engrangées» et des situations singulières vécues.
L’analogie de la loupe
Certains comparent les référentiels à des loupes. En effet, ils nous permettent de regarder le monde à partir d’un certain prisme, qui le précise et, en même temps, le déforme en partie... Mais, attention: les référentiels ne sont pas des croyances personnelles. Il s’agit de connaissances universelles ayant une base scientifique sérieuse, qui a validé leur pertinence.
Donc, d’un côté un certain référentiel théorique nous donne un savoir, nous propose des concepts et nous renseigne sur des liens de causalité entre des phénomènes étudiés par d’autres avant nous ; mais d’un autre côté, il met en lumière certaines dimensions de la situation, et en relègue (de ce fait) d’autres dans l’ombre.
Prenons une métaphore issue de l’actualité : l’analyse du mouvement des «gilets jaunes». Indépendamment de toute sensibilité politique, on peut constater les éléments suivants:
- Un économiste analysera le mouvement sous l’angle... économique : niveau de vie, revenu, patrimoine, fiscalité, aides sociales...
- Un sociologue axera sa lecture sur les phénomènes de classes et de reproduction sociale, d’exclusion/inclusion, de déterminismes, de trajectoires sociales perçues comme possibles ou impossibles, de groupes sociaux, d’institutions...
- Un ethnologue éclairera la situation avec des notions culturelles relatives aux spécificités françaises, à nos valeurs, notre rapport à l’Etat, à la contestation...
- Un psychologue s’intéressera aux éléments de motivation des acteurs de cette mobilisation, à la notion de souffrance et aux mécaniques collectives en jeu...
- Un psychanalyste mettra l’accent sur les phénomènes pulsionnels, tant individuels que collectifs, sur les mécanismes in-conscients, le passage à l’acte...
Et nous pourrions continuer cette liste quasi infinie: un historien, un politologue, un écologiste, un juriste... Tous auront un angle d’analyse prédéterminé par le référentiel théorique à partir duquel ils considèrent la situation (sans même parler des multiples courants au sein de chaque discipline !). Chaque grille de lecture est pertinente et pour partie «vraie», mais aucune de ces approches ne saurait rendre compte, seule, du mouvement.
Il en va de même en coaching... Nous avons besoin d’une grille de lecture pour comprendre quelque chose d’une situation et non l’interpréter uniquement à partir de notre vécu subjectif personnel (projection). Nous avons besoin d’un référentiel théorique, et même de plusieurs, car les situations d’accompagnement humain agrègent de multiples dimensions.
Proposition de classement des référentiels
Il existe de nombreuses catégories de référentiels, dont la visée est à chaque fois différente. Ils peuvent se recouper par niveau. Pour notre propre compréhension, nous en avons identifié sept :
- Le niveau culturel et interculturel
- Le niveau institutionnel
- Le niveau organisationnel
- Le niveau systémique
- Le niveau interactionnel ou relationnel
- Le niveau intrapsychique ou subjectif
- Le niveau inconscient
Il nous semble utile de disposer d’éléments théoriques correspondant à chacun de ces niveaux. Il peut même être intéressant de mobiliser différents référentiels situés dans une même catégorie. Par exemple: sur le niveau interactionnel, l’approche de la PNL est distincte de celle de l’AT. Au niveau intrapsychique, l’approche de la psychologie humaniste diffère de celle des TCC...
En tant que coachs professionnels, nous devons donc nous équiper sur le plan théorique (et pas seulement en matière d’outils, lesquels ne sont que des moyens), pour penser nos stratégies d’accompagnement et fonder nos interventions sur des hypothèses théoriques aussi claires que possible. Cela suppose une stratégie d’acquisition continue de connaissances, dans le très large champ des sciences humaines et sociales.
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Etre coach implique de s’engager, avec une forme d’endurance et aussi beaucoup d’humilité, dans un processus d’apprentis-sage dont on sait qu’il est infini. Nous ne saurons jamais tout ce qu’il faudrait savoir mais nous pouvons mettre en œuvre toute notre intelligence pour acquérir les savoirs indispensables à notre pratique et nous les approprier, graduellement. Faute de quoi, le risque est grand de jouer aux apprentis sorciers, aux «initiés» qui «sentent» les situations, et recourent trop exclusivement à l’intuition, tout ceci à nos risques et périls, mais surtout à ceux de nos clients... Bref: apprenons, il en restera toujours quelque chose (de bon).
Valérie PASCAL
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